L'oxygène n'était pas nécessaire aux premiers êtres vivants (l'atmosphère en étant dépourvue).
L'oxygène ne put être utilisé par le végétal (et les animaux) que lorsque les plantes commencèrent à le rejeter comme un déchet de la
photosynthèse.
Les premières adaptations permettant l'utilisation de ce gaz se sont certainement situées à un niveau intracellulaire par le
développement de systèmes enzymatiques capable d'utiliser l'oxygène pour débarrasser les cellules d'excès d'hydrogène libéré au cours
du métabolisme cellulaire (formation d'eau).
Il existe encore de nos jours quelques organismes anaérobies (vivant sans oxygène) ; mais la quantité d’énergie qu'ils peuvent extraire
de leur nourriture est très inférieure à celle produite par les organismes ayant développé le métabolisme aérobie (nous le verrons dans la
deuxième partie).
Pour les organismes unicellulaires, certaines enzymes constituent la seule adaptation spéciale nécessaire à l’utilisation de l'oxygène
(superoxydismutase, catalase, peroxydases, lipoxygénases).
Pour les êtres pluricellulaires, ce sont des systèmes entiers de protection contre l'oxygène : on retrouve alors des métabolites
piégeurs de radicaux libres, concevons tout de suite que l'oxygène était un déchet de la photosynthèse, donc un poison ; de ce fait,
animaux et végétaux ont du s'adapter depuis les temps primitifs à cette 1ère contrainte, aussi bizarre que cela puisse paraître.
Cependant, cette tolérance à l'oxygène est devenue la norme classique dans le vivant.
C'est l'absence d'oxygène qui est perçue comme une contrainte ; de ce fait, nous insisterons davantage sur la tolérance (et
l'adaptation) à l'anaérobiose.
Le contenu en Oxygène des sols librement drainés est habituellement maintenu aux alentours de 15-20%, quantité nécessaire pour
approvisionner en O2 la plante pour sa croissance et son métabolisme.
Toutefois, dans des habitats humides (marais, zone boueuse, ...) la drainage naturel est empêché par une faible perméabilité du sous-sol
ou de la roche, ou par de fortes quantités d'eau souterraine, entraînant ainsi une asphyxie permanente ou saisonnière quand les pores
du sol sont entièrement occupés par l'eau.
Sous ces conditions, l'oxygène des quelques poches est rapidement épuisé par la respiration des racines ou des bactéries ; de plus,
les apports extérieurs en O2 de l'atmosphère sont coupés par le très faible taux de diffusion de l'oxygène dans l'eau (1/10 000 fois celui
dans l'air).
Ces sols deviennent alors anaérobies, et la respiration aérobie tombe à un très faible niveau.
En absence d'oxygène, des organismes vivant en anaérobie facultative ou obligatoire (sauf les racines) maintiennent une respiration
en transférant les électrons de la chaîne respiratoire à une gamme d'accepteurs d'électrons autres que l'oxygène.
En contraste avec la réaction normale en aérobiose avec production d'eau (O2 + 4H+ + 4e- → 2 H2O) se produit une série de réactions
anaérobies :
Ces réactions entraînent alors une perte en nitrate du sol sous formes gazeuse (dénitrification), l'accumulation de substance
phytotoxiques (H2S) ou de hautes concentrations en ions Mn ou Fe.
Ces réactions se produisent dans la stricte séquence énumérée ci-dessus ; SO4 ne sera pas réduit jusqu'à ce que les ions ferriques
aient été réduits en ferreux.
La décomposition en anaérobiose de la matière organique des sols relâche également une variété de toxines (acide acétique, acides carboxyliques) et une série d'hydrocarbures ; des augmentations en régulateurs de croissance (éthylène) sont normalement interprétées en terme de premiers stades d'anaérobiose.
Chez les cellules végétales recevant un apport adéquat en O2, l'oxydation des carbohydrates (pourvoyeurs d'énergie pour la
croissance et le métabolisme) prend place en 3 étapes.
Dans une 1ère phase (la voie d'Embden-Meyerhof-Parnas ou glycolyse), la conversion d'une mole de glucose en 2 moles de pyruvate
est associée à la synthèse nette de 2 moles d'ATP (principale forme de transport d'énergie) et 2 moles de NADH.
Dans une deuxième étape, l'oxydation complète de chaque mole de pyruvate en CO2 par le cycle de Krebs (ou le cycle tricarboxylique)
s'accompagne de la synthèse d'une mole d'ATP et de 5 moles de NADH (ou de flavoprotéine réduite).
Enfin, les réducteurs formés (NADH) peuvent être oxydés dans la respiration à l'aide de l'oxygène de l'air, source des
phosphorylations oxydatives, qui assureront la charge en ATP des cellules : l'énergie stockée dans chaque mole de NADH est utilisée pour
la synthèse de 3 moles d'ATP (ou 2 par flavoprotéine) au moyen de la chaîne respiratoire mitochondriale ; dans ce processus, les électrons
et les protons sont transférés via la chaîne des cytochromes du NADH sur l'oxygène pour donner de l'eau.
Ainsi la respiration aérobie complète d'une mole de glucose produit 38 moles d'ATP (36 pour tenir compte du coût de transport des
NADH cytoplasmiques de la glycolyse vers la mitochondrie).
En anaérobie, la chaîne des cytochromes des cellules racinaires cesse de fonctionner car l'O2 n'est plus l'accepteur des électrons.
Ceci conduit à une accumulation de NADH (2 minutes après un traitement anaérobie), à la suppression du cycle de Krebs, à
l'accumulation d'acétaldéhyde, premier produit terminal de la glycolyse en anaérobie (fermentation), et à l'induction de la synthèse de
l'enzyme alcool déshydrogénase (ADH) qui catalyse la réduction d'acétaldéhyde en éthanol (10 minutes après l'induction du traitement
anaérobie).
En fait, dans les phases précoces de l'anaérobiose, la production de lactate prédomine, entraînant une chute du pH cytoplasmique qui
active la pyruvate décarboxylase (enzyme inhibée à pH neutre et basique, pH du cytoplasme dans des conditions aérobies) ; de fait la
production de lactate précède la production d'éthanol.
Parce que l'ADH utilise le NADH généré par fermentation (elle recycle le NAD), les réactions impliquées dans la fermentation peuvent
continuer à générer de l'ATP et du pyruvate sous des conditions anaérobies aussi longtemps que perdurent les réserves en carbohydrates.
L'ADH éviterait ainsi l'accumulation d'acétaldéhyde, un composé toxique, et la réoxydation du NADH sous l'action de la lactate
déshydrogénase qui en produisant le lactate acidifierait le cytoplasme.
Les produits issus du métabolisme fermentaire (éthanol, acide lactique) sont toxiques à des concentrations de 2 à 50 mM à la croissance des disques de Tournesol, à l'induction d'alpha-amylase par GA3 et aux processus d'embryogenèse somatique de la Carotte : ces actions toxiques peuvent être autant attribuées à la reconversion d'éthanol en acétaldéhyde (produit plus toxique) qu'à l'éthanol lui-même.
Les zones humides sont des environnements hostiles pour les plantes supérieures.
Toutefois elles constituent un biotope producteur : le Riz, cultivé en zones inondées, constitue la deuxième culture mondiale.
La déficience en O2 est la cause primaire de la faible croissance des plantes sur sols inondés.
Chez plusieurs espèces des habitats humides, la diffusion de l'O2 de l'atmosphère vers les organes inondés peut être suffisamment
rapide pour prévenir tout risque d'anaérobiose dans les tissus ; ces taux rapides de diffusion sont rendus possibles par la présence
d'aérenchymes (vastes tissus de cortex racinaire renfermant de l'air) qui peuvent être permanents chez le Riz.
Le mouvement d'O2 à travers les stomates, les lenticelles caulinaires et les aérenchymes racinaires peut être suffisant pour oxyder le
volume de rhizosphère autour des racines inondées.
Le développement d’aérenchyme augmente l'aération des racines et réduit le volume des tissus respirants ; les espèces tolérant
l'inondation ont ainsi un volume racinaire occupé par de l'air à 20-50% contre 10% chez les espèces des sols bien drainés.
D'autres adaptations morphologiques favorisant l'apport d'oxygène aux racines incluent les racines adventives (chez le Riz), les
racines verticales, ou les pneumatophores des mangroves dont les lenticelles au dessus du niveau d'eau donnent un accès direct à l'O2
vers les aérenchymes des portions submergées.
Cependant, d'autres adaptations métaboliques cœxistent du fait de l'existence de processus fermentaires.
Trois possibilités de réponse à l'anaérobiose peuvent se produire :
Les plantes des habitats humides sont capables de convertir les produits de la fermentation en métabolites moins toxiques que
l'éthanol, de les transporter vers les parties aériennes pour prendre place dans le métabolisme aérobie ou de les stocker dans les racines
en attendant un retour à des conditions favorables.
Parmi ces métabolites, le succinate, le malate, un produit terminal alternatif à l'éthanol (ou l'acide lactique), produit en grande quantité en
certaines circonstances (par exemple dans le xylème des arbres inondés).
D'autres métabolites sont accumulés en anaérobiose parmi lesquels le glycérol, l'acide shikimique, l'alanine, l'aspartate, le glutamate, la
proline, la sérine et le g aminobutyrate, qui sont également des métabolites de stress (froid, température, sel, eau, ...).
Les adaptations métaboliques décrites précédemment ne sont d'aucune utilité aux plantes adaptées aux habitats humides, si elles ne
sont pas capables de supporter de hautes concentrations en toxines (Fe2+, H2S) générées par l'anaérobiose : la distribution de Salicornia
europaea dans les terres salées britanniques s'expliquerait en terme de résistance à H2S dans le milieu racinaire.
Or les plantes de ces milieux sont les plus efficaces pour exclure le fer ferreux (Fe2+) à partir des parties aériennes et de les
transporter vers les racines.
La capacité d'exclusion du fer à partir des parties aériennes dépend du degré de transport de l'oxygène des parties aériennes vers
les racines.
La survie des espèces qui accumulent de grandes quantités de Fe2+ dans les racines est reliée à l'activité de systèmes enzymatiques
(catalase, peroxydase, superoxydismutase) qui préviennent des dommages cellulaires dus aux radicaux libres ou H2O2.
Ces polluants gazeux des sites urbains ou industriels (à partir de la combustion des moteurs ou du feu, processus vital pour l'homme) peuvent avoir une profonde influence sur la composition, la biomasse et la distribution de la végétation : à faible dose, ils ont un effet bénéfique ; à fortes doses, ils causent des symptômes de phytotoxité.
Polluant | Zone rurale | Zone urbaine | Zone industrielle |
---|---|---|---|
SO2 | <0,001-0,05 | 0,02-0,5 | <0,001-1 |
NOx | 0,005-0,05 | 0,02-0,2 | >1 |
O3 | 0,02-0,06 | 0,08-0,25 | |
C2H4 | <0,001-0,01 | 0,005-0,05 | <0,001-0,5 |
Des adaptations favorisant l'assimilation du CO2 tendent malheureusement à favoriser l'absorption d'autres gaz dans le mésophylle.
Ainsi, plusieurs espèces sont plus sensibles à SO2 durant la journée, quand les stomates sont ouverts, que durant la nuit ; exception
de la Pomme de terre dont les stomates restent ouverts la nuit.
De plus, certains polluants (SO2) peuvent déclencher l'ouverture des stomates même quand la plante est soumise à un stress
hydrique, entraînant une absorption accrue de SO2 et une perte d'eau ; par opposition, O3 tend à fermer les stomates.
La cuticule apparaît relativement perméable à HF et à HCl et peut être endommagée par ces gaz entraînant une augmentation de
l'absorption des polluants ; par ailleurs, l'humidité, l'abrasion éolienne (particules en suspension) peuvent également altérer la cuticule et
augmenter l'absorption des polluants.
Enfin le mouvement des polluants gazeux vers les sites de dommages peut être entravé par les transformations chimiques qui se produisent
quand ces polluants se dissolvent dans l'apoplasme épidermique, le mésophylle ou la surface externe de la feuille.
SO2 se dissout rapidement pour donner SO2 hydraté qui agit comme un acide fort en se dissociant (dans le cytoplasme) en HSO3- et
SO3- en proportion déterminée par le pH de la solution ; SO3- sera oxydé en SO24- moins toxique dans les chloroplastes.
De ce fait, les quantités de polluants toxiques auxquels la cellule est exposée dépendent de leur flux d'entrées et de leur détoxification.
De la même façon, NO et NO2 se dissolvent avec l'eau extracellulaire des feuilles dans les cavités sous-stomatiques avant d'être
absorbés dans le mésophylle, où ils sont oxydés en NO3 et NO2 (ils donnent alors en combinaison dans l'eau HNO2 ou HNO3,
respectivement acides faible et fort).
NO est plus facilement soluble que NO2.
La solubilité de NO varie avec la température : 73,8 mLNO/L à 0° et 40 mL/L à 30°C ; de ce fait, cette solubilité accrue génère des
conséquences fort différentes avec la diminution de température.
Il y a 5% de gaz absorbés et marqués qui migrent vers les autres feuilles ou les racines.
Au niveau cytologique, des expositions des feuilles à de faibles doses de SO2, NOx et O3 entraînent une rupture des membranes des
thylakoïdes, en agissant directement sur la double liaison des lipides insaturés.
NO et NO2 provoquent une augmentation de la chlorophylle à faibles doses, et une inhibition de la biosynthèse de ce pigment et des
acides aminés à fortes doses.
Conséquence : l'exposition des feuilles à SO2 cause une rapide diminution de la fixation de CO2.
Des expériences avec des fractions subcellulaires ont montré que cette inhibition est causée partiellement par une compétition entre
les ions sulfites et les ions bicarbonates sur les sites fixateurs d'oxygène de la RUBPCase.
Les doses minimales de polluants entraînant une diminution de la photosynthèse chez l'Avoine, l'Orge et la Luzerne sont : HF (0,01
ppm) > O3 (0,05 ppm) > SO2 (0,2 ppm) >NOx (0,4-0,6 ppm), NH3 (0,05-0,1mM).
Cette réduction de la photosynthèse entraîne une diminution du nombre de feuilles, de la surface foliaire et une sénescence accélérée.
Lots | Nombre de feuilles vivantes | Nombre de feuilles mortes | Masse ms de feuilles vivantes | Masse ms de feuilles mortes | Surface des feuilles (cm²) |
---|---|---|---|---|---|
Lot SO2 | 47,31 | 12,02 | 0,388 | 0,047 | 203,6 |
Témoin | 85,61 | 6,39 | 0,791 | 0,027 | 417,2 |
Il est impossible aux plantes de résister à toutes les concentrations de tous les polluants gazeux rencontrés dans l'atmosphère.
Certaines sont très sensibles et utilisées en tant qu'indicateur biologique d'un polluant (ainsi le Tabac pour O3 par exemple).
D'autres espèces sont bien adaptées à un polluant, permettant de définir des mécanismes de résistance.
Les mécanismes de résistance à O3 et NO2 sont essentiellement associés aux caractéristiques des stomates (assurant l'exclusion
des polluants).
Les stomates d'Oignons sensibles à O3 se ferment rapidement et restent clos pendant la période de fumigation, limitant l'entrée du
polluant.
Une telle adaptation interfère avec l'absorption de l'eau et de CO2 ; elle est donc limitée à une nature épisodique et non à une pollution
continuelle.
La résistance à SO2 chez le Ray-grass est liée à la tolérance des tissus à SO2 (par exemple la résistance de la chlorophylle à la dénaturation).
Les plantes sont également soumises à des environnements acides.
En effet, les pluies acides proviennent de nuages chargés en polluants atmosphériques (NH3 qui contribue à 30% de l'acidité totale des
pluies, NO2, SO2) lors du passage au dessus des pays industrialisés ; cette combinaison (gouttelette d'eau - polluant) génère des acides
sulfurique et nitrique, d'où le pH acide (3-4) de ces pluies (contre pH 5,6 dans les atmosphères non polluées).
Les pluies acides ont 2 effets importants sur les plantes :
L'analyse des feuilles des essences dans les forêts de Katowice (Pologne) ou dans la Maurienne (vallée savoyarde encaissée), en
Haute Normandie (près de Rouen) révèle une diminution des teneurs en polluants assimilés par les feuilles au fur et à mesure que l'on
s'éloigne des centres industriels.
Les résineux sont les espèces les plus touchées, car leurs feuilles sont exposées toute l'année à ces polluants qui agissent en
combinaison avec d'autres stress, telles les carences minérales des sols, ou les stress climatiques (sécheresse) ; que ce soit en hiver (où
les concentrations en SO2 sont élevées) ou en été (pendant lequel l'ozone prédomine), les arbres sont alors soumis à un double stress.